Le Centre Helios participe activement aux débats entourant le projet Muskrat Falls (projet du cours inférieur du fleuve Churchill) à Terre-Neuve-et-Labrador depuis 2008, lorsque Philip Raphals a été engagé par Grand Riverkeeper, Labrador, pour fournir un témoignage d'expert lors des prochaines audiences de la Commission d'examen conjoint fédérale/provinciale de ce qui s'appelait alors le projet de génération du cours inférieur du fleuve Churchill, composé de deux projets hydroélectriques en aval de Churchill Falls : Gull Island et Muskrat Falls.
Dans sa conception initiale, le projet devait permettre de fournir de l'électricité aux marchés américains par l'intermédiaire du Québec. Il a donc été conçu comme une "centrale marchande", qui recouvrerait ses coûts d'investissement grâce aux ventes réalisées au fil des ans sur le marché libre.
Cependant, en novembre 2010, le gouvernement de Terre-Neuve a annoncé une modification radicale : Muskrat Falls serait développé en premier, ainsi que deux lignes de transmission sous-marines à courant continu, d'abord vers l'île de Terre-Neuve (le "Labrador-Island Link"), puis vers la Nouvelle-Écosse (le "Maritime Link"). Il ne s'agit plus d'un projet de production marchande, l'objectif principal étant désormais d'approvisionner Terre-Neuve en électricité, afin de lui permettre de mettre hors service la centrale électrique de Holyrood, une centrale vieillissante, coûteuse à exploiter et très polluante. Les quantités considérables d'électricité excédentaire seraient exportées par le biais de la liaison maritime.
Dans son mémoire à la CEC (LIEN), M. Raphals a souligné l'importance de ce changement d'objectif et a insisté sur le fait qu'aucune étude approfondie n'avait été réalisée pour déterminer s'il existait ou non de meilleures solutions pour répondre aux besoins de l'île. Au fil de l'audience, il a démontré que l'on n'avait pas accordé suffisamment d'attention à l'énorme potentiel éolien de l'île, ni au potentiel inexploité d'économies d'énergie (LIEN). De plus, alors que le promoteur Nalcor prétendait que le projet produirait d'énormes avantages financiers pour le projet, il a démontré que ces avantages proviendraient en fait des contribuables, qui n'auraient d'autre choix que de payer les coûts très élevés de l'énergie de Muskrat Falls (LIEN).
Le rapport du groupe d'experts (https://www.ceaa.gc.ca/050/documents/53120/53120E.pdf) mettait sérieusement en doute la justification du projet et recommandait qu'il ne soit pas mis en œuvre sans un examen financier indépendant et une évaluation des solutions de remplacement. Il conclut (p. 278) :
Si l'examen financier et l'évaluation des solutions de rechange recommandés par la Commission devaient montrer qu'il existe d'autres moyens de répondre à la demande d'électricité de l'île à moyen terme d'une manière qui soit économiquement viable et responsable sur le plan environnemental et social, le projet ne devrait probablement pas être autorisé à aller de l'avant pour répondre à la demande de l'île. Ce point est crucial pour l'installation de Muskrat Falls, car la satisfaction de la demande de l'île a été présentée comme sa principale justification.
Avant même la publication de ce rapport, le gouvernement provincial a chargé la commission des services publics de Terre-Neuve (NL Public Utilities Board - PUB) d'examiner le projet, mais dans le cadre d'un mandat strictement limité, qui excluait la possibilité de rechercher une meilleure solution pour répondre aux besoins de l'île. M. Raphals l'a souligné dans son témoignage devant la commission et a également attiré l'attention sur les coûts excessivement élevés que les Terre-Neuviens devraient payer pour l'électricité produite à Muskrat Falls (LIEN).
Le gouvernement provincial a néanmoins approuvé le projet en 2012, et la construction a commencé en 2013, avec une date de mise en service prévue pour 2017 et un coût d'investissement cible de $5,5 milliards (y compris les investissements de transmission).
La construction ne s'est pas bien déroulée. La mise en service complète est maintenant prévue pour la fin de 2021, avec des coûts d'investissement de plus de $13 milliards.
En 2017, le gouvernement néerlandais a créé une commission d'enquête pour comprendre ce qui n'a pas fonctionné. Son rapport, intitulé "Muskrat Falls : A Misguided Project" (LIEN), a été publié en mars 2020 après des centaines de jours d'audiences. M. Raphals a comparu deux fois devant la Commission en tant que témoin expert, d'abord en ce qui concerne la période précédant les sanctions (LIEN), puis en ce qui concerne l'accord sur la gestion de l'eau (LIEN).